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Urgesat ! Zététique
7.2.04
 
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Philippe Gouillou : « Pourquoi les femmes des riches sont belles »
Sous-titre : « Programmation génétique et compétition sexuelle ».
Editions Duculot (2003).
Comprend une chronologie, une présentation des auteurs cités, une bibliographie, un glossaire et un index.

« L’instinct de l’homme est polygame. Ses instincts sont de vivants fossiles du paléolithique, où les hommes chassaient de grands animaux dangereux et étaient fréquemment tués. La mission des hommes survivants était de féconder n’importe quelles femmes ; les femmes, par mesure de précaution pour la survie de la tribu, restaient dans la sécurité relative de la caverne. La virilité et la disposition sexuelle instantanée devinrent des caractéristiques de survie ; nul doute qu’elles sont responsables de notre présence ici. Nous sommes les enfants des forts, des féconds et des luxurieux, et peut-être du matois qui échappaient à la chasse ou tirait au flanc autour de la caverne. Le développement de l’agriculture et la domestication des animaux rendit inutiles ces instincts polygames et depuis la révolution industrielle les grandes familles ont été contreproductrices. Mais tout cela n’a modifié en rien la persistance de nos premières caractéristiques. Après tout, nous avons été sauvages pendant un million d’années, des fermiers pendant seulement vingt mille ans, des civilisés depuis moins de sept mille et industrialisés depuis deux siècles à peine.
Le Carnet de notes du Professeur »

in « Kampus », roman de Science Fiction de James E. Gunn (éditions Albin Michel, collection Super+Fiction n°8, 1980, page 203, édition originale américaine de 1977).

Lire un essai de vulgarisation scientifique de qualité est une expérience un peu similaire à lire un bon roman de Science Fiction. Ce qu’on lit dans les deux cas est étrange mais vrai. La suspension de l’incrédulité nécessaire si on veut apprécier un roman d’anticipation ressemble beaucoup au vertige naissant à la lecture de descriptions de l’univers tel qu’il est vraiment.

Le livre de Philippe Gouillou est le premier en français à présenter de façon claire et accessible les découvertes récentes de la psychologie évolutionniste. Un domaine précis est plus particulièrement exploré : celui des relations entre les hommes et les femmes.

L’objet de la psychologie évolutionniste (abrégée en « évopsy ») est de découvrir quels sont les rapports entre l’être humain tel que l’Evolution l’a façonné et les comportements quotidiens de ce même être humain. Autrement dit, il s’agit de comprendre comment la réalité biologique de l’Homme explique ses comportements sociaux.

L’évopsy est le dernier avatar de la théorie de l’Evolution darwinienne. Depuis 1859, date de la parution de « L’origine des espèces » de Charles Darwin (1), les choses ont bien changé mais pas tant qu’on pourrait le croire car les deux découvertes essentielles de Darwin que sont la sélection naturelle et la sélection sexuelle n’ont pas encore révélé tous leurs mystères.

Du côté de la sélection naturelle, on constate que les individus animaux ou humains ont un taux de succès reproductif variable. Les individus étant tous légèrement différents les uns des autres, ceux qui « gagnent » transmettent à leurs enfants les caractéristiques qui leur ont permis de gagner. Tout au long des générations, certaines caractéristiques vont donc se répandre dans l’ensemble de la population ou au contraire se raréfier et disparaître. Les conditions n’étant pas toujours ni partout les mêmes, les « gagnants » ne sont pas toujours exactement les mêmes non plus. Ces caractéristiques aussi bien physiques que psychologiques ont pour support les gènes et c’est donc à leur niveau que se passe la sélection naturelle. L’évopsy reprend la grande idée de Richard Dawkins selon laquelle les êtres vivants sont des machines inventées par les gènes pour se reproduire (2). Les gènes inadaptés, peu efficaces ou malchanceux finissent par être éliminés (3).

La sélection sexuelle est l’idée que le choix des partenaires pour la reproduction joue également un grand rôle dans l’Evolution. Le livre de Philippe Gouillou est essentiellement consacré à la sélection sexuelle chez l’être humain.
Premier concept clef : l’homme et ses ancêtres ont évolué dans un milieu qui n’existe plus aujourd’hui. D’après ce que nous apprennent la paléontologie et l’anthropologie, l’être humain moderne existe depuis environ 100 000 ans. L’agriculture n’est apparue qu’il y a 10 000 ans et l’homme n’a pas eu le temps de changer depuis. Nos caractéristiques physiques et mentales sont celles de nos ancêtres préhistoriques qui vivaient en bandes de 20 à 50 individus apparentés. L’un des problèmes que doivent surmonter les humains d’aujourd’hui est celui dit de la « surstimulation » : les désirs physiques sont constamment excités par notre environnement actuel mais ne peuvent que rarement être comblés. Heureusement, les capacités d’adaptation psychologique sont importantes à la naissance et l’éducation joue donc un rôle important.
C’est également l’une des fonctions de l’habillement : cacher le corps qui est très révélateur chez l’être humain. Le succès de la pornographie montre combien les hommes sont sensibles aux corps féminins nus. Cacher donc mais aussi parfois tricher...

Deuxième concept clef : l’homme et la femme n’ont pas développé exactement les mêmes capacités ni les mêmes préférences.
L’homme peut grandement augmenter son succès reproductif s’il est capable de séduire et de féconder plusieurs femmes. A l’inverse, une femme aura à peu près toujours le même nombre d’enfants quel que soit le nombre de ses partenaires.
La différence de taille entre les hommes et les femmes montre que la polygynie (plusieurs femmes pour un homme) a joué un rôle dans notre histoire. Les autres primates qui nous sont proches ont adopté un modèle différent. Les chimpanzés ne montrent pas de différence de taille entre les mâles et les femelles et tous copulent à peu près avec toutes. A l’inverse, les gorilles mâles sont deux fois plus gros que les gorilles femelles : les mâles sont à la tête de groupes de femelles qu’ils monopolisent. Nos ancêtres ont sans doute vécu pendant longtemps une situation intermédiaire. Même à notre époque, on estime que les trois quarts des sociétés humaines acceptaient la polygynie au début des années 1990. A contrario, seul 1% des sociétés humaines connaissaient à cette date la polyandrie (plusieurs hommes pour une seule femme). On sait par ailleurs que cette dernière situation n’apparaît que dans des environnements très hostiles et que la polyandrie disparaît quand les conditions de vie des membres de ces sociétés s’améliorent (4).
Le but de l’homme est d’abord de s’approprier le plus possible des ressources disponibles, ressources qui lui permettront ensuite d’entretenir une ou plusieurs femmes. Les femmes de leur côté doivent séduire des hommes qui leur confieront leurs ressources et tout le monde est à la recherche de gènes de la plus grande qualité possible...

Mais comment savoir qu’un partenaire éventuel est porteur de gènes de bonne qualité ? L’Evolution humaine a provoqué l’apparition de critères objectifs sur lesquels tous et toutes sont d’accords. Et d’abord la beauté. La beauté est surtout importante quand il s’agit pour un homme de choisir une partenaire. Elle est liée principalement à la jeunesse, puis à d’autres caractéristiques comme la symétrie du corps et du visage.
D’où le titre du livre : la beauté d’une femme est un indice fortement corrélé au statut social de son mari.

Il y a encore beaucoup de choses passionnantes dans ce livre comme le rôle des phéromones dans notre vie ou le pourquoi du développement de l’agriculture il y a 10 000 ans, un changement de mode de vie qui s’est d’abord traduit par une dégradation des conditions de vie des hommes de l’époque. On y trouve aussi des explications concernant des choses très mystérieuses comme l’orgasme féminin...
Tout un chapitre est également consacré au problème de la trahison car trahir ou tromper peut parfois être rentable d’un point de vue reproductif.

Que faire de tout cela dans une perspective libertarienne ?
D’abord, abandonner un certain nombre d’idées fausses ne peut qu’être utile à qui aspire à fonder une société libre. Par exemple, il est clair que certains comportements naturels ne sont pas bons en soi et qu’il convient de s’en préserver. Je pense par exemple au viol (dont on sait maintenant qu’il augmente fortement la probabilité de fécondation) et au « Syndrome des jeunes hommes » (YMS : « Young Male Syndrom » : constatation que les hommes âgés de 15 à 30 ans commettent l’immense majorité des crimes et des délits. Selon l’évopsy, cela s’explique par le fait que les hommes de cet âge sont à la recherche des ressources nécessaires à l’entretient d’une ou de plusieurs épouses). Il est certain qu’on n’a pas attendu l’évopsy pour condamner ces comportements mais connaître leur origine réelle ne peut qu’aider à les combattre.

Il est évident également que les comportements de tromperie et de trahison sont profondément humains. Dans une société libre, ces comportements auront un coût très élevé et il sera très difficile de s’approprier des ressources qui ne vous appartiennent pas. Tout le contraire de notre monde où la trahison et la tromperie sont érigés en système par les hommes de l’Etat, l’objectif étant le pouvoir qui permet de s’approprier les ressources des autres. Ce système a sa logique propre et il n’est pas étonnant que notre liberté soit de plus en plus menacée.

Sylvain

Notes :

1 : Charles Darwin : « L’origine des espèces » (Garnier Flammarion).
2 : Richard Dawkins : « Le gène égoïste » (Poches Odile Jacob, 2003).
3 : Pour l’anecdote, Wendy Northcutt dans « Les Darwin Awards - Les sommets de la bêtise humaine » (éditions Fleuve Noir, 2001) présente le palmarès de tout ceux qui par maladresse ont éliminé leurs propres gènes de l’espèce humaine. Un exemple : le terroriste qui expédie une lettre piégée insuffisamment affranchie et qui ouvre cette lettre quand elle lui est retournée par la poste...
4 : Voir « Comment fonctionne l’esprit » de Steven Pinker, édition Odile Jacob, chapitre 7 : « Les valeurs familiales », en particulier les pages 502 et suivantes.

Lien :

Présentation de son livre par l'auteur.

Addenda n°1 : que se passe-t-il dans les sociétés dites « modernes » ?

Plusieurs phénomènes sont à remarquer :
- Ce que Philippe Gouillou appelle la « monogamie à répétition » tend à se généraliser. Les divorces et les séparations se multiplient tout comme les familles dites « recomposées ». La plupart des séparations sont demandées par la femme et l’homme divorcé est souvent contraint par la loi d’abandonner une partie de ses ressources à son ex-épouse même s’il est prouvé qu’il n’est pas le père biologique de ses « enfants » (il y a entre 10 et 20% des enfants dont le père biologique n’est pas celui que l’on croit).
- En ce qui concerne les ressources de la famille, l’Etat se substitue maintenant au père pour une part importante par les allocations et aides diverses dispensées par l’administration.
- L’avortement et la contraception sont généralisés.
- Les familles ont de moins en moins d’enfants et un certain nombre de pays sont tombés au-dessous du seuil de simple renouvellement des générations.

L’hypothèse est que l’Etat et ses serviteurs faussent le fonctionnement naturel de la vie humaine en faisant tout pour réduire l’importance des hommes au profit des femmes. L’affaiblissement des familles qui en résulte permet à l’Etat de réduire les oppositions à son hégémonie. Contrairement à ce qu’on croit souvent, l’Etat ne défend pas la famille mais au contraire tente d’empêcher que la puissance et la richesse s’accumulent dans ces communautés naturelles (1).
Des familles puissantes sont donc un obstacle au pouvoir étatique.
Par ailleurs, tout cela n’empêche pas les femmes d’être elles aussi victimes de ce processus. D’une part, la baisse du nombre d’enfants est préjudiciable à tous et d’autre part les tensions nées de la frustration et de l’échec conduisent certains hommes à la violence (par exemple, il semble bien que le nombre de viols augmente).

Addenda n°2 : une société libertarienne est-elle possible ?

Apparemment, les principes libertariens semblent séduisants à beaucoup de personnes. Les choses se gâtent quand on rentre dans le détail de ce que serait une société non pas forcément « moderne » mais libre.
Il me semble que dans une société civilisée, c’est-à-dire une société apaisée dans laquelle la coopération prend le pas sur les affrontements, le coût de la trahison et de la tromperie doit être élevé et donc dissuasif. Comment aboutir à ce résultat ?
Tout d’abord en prenant l’homme tel qu’il est et non pas tel qu’on voudrait qu’il soit. C’est l’origine des crimes abominables des totalitarismes du XXè siècle que d’avoir cru que l’on pouvait façonner « librement » l’être humain. L’être humain a une nature dont il existe deux versions légèrement différentes et comprendre cette nature humaine ne peut que nous aider à devenir libre.
Ensuite, il faut laisser les gens diriger leur propre vie et assumer les conséquences de leurs actes, que ces conséquences soient bonnes ou qu’elles soient mauvaises. Tout ce qui infantilise ou déresponsabilise contribue à l’augmentation de la violence et au recul de la liberté.

A côté de ça, il faut bien noter aussi que le libertarianisme n’est pas un constructivisme. Il est hors de question de proposer un modèle de société « clef en main » réglée et organisée dans les moindres détails. Une fois les grands principes définis, une fois quelques directions indiquées, une fois élaborées quelques réformes possibles dés aujourd’hui, il faut rappeler que nous ne pouvons pas imaginer les solutions que nos descendants concevront pour résoudre les problèmes qui se poseront à eux. Nous sommes trop prisonniers du présent et de notre éducation pour pouvoir faire mieux. Le futur sera beaucoup plus étrange que ce que nous pouvons imaginer.

Sylvain

(1) : Voir S. Pinker : « Comment fonctionne l’esprit » (op. cit.) pages 463 à 465 et Ph. Gouillou : « Pourquoi les femmes... » page 112 et 123.


Comments:
merci pour intiresny Dieu
 
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